Homélie du Père Bernard à l’occasion de son jubilé d’or

12e dimanche ordinaire (A), jubilé d’or 25 juin 2023, messe de 11h00 

« Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en pleine lumière »
« Ce que vous entendez au creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits. »

Cette invitation, je l’ai entendue, pas seulement au creux de l’oreille mais au fond de mon cœur plus précisément à 14-15 ans. Sans en parler précisément à qui que ce soit, j’ai fait le projet d’y répondre à ma façon…Le choix de la Terminale a fait partie du projet…Philo, cela m’ouvrait les portes du séminaire dans mon esprit…mais je ne tenais pas du tout à y aller…C’était alors le synonyme d’un enfermement. L’impérieuse nécessité n’était pas de devenir prêtre témoin au cœur de la cité de cette Bonne Nouvelle qui me brûlait à l’intérieur. Je me voyais bien ingénieur avec une femme, des enfants…

En étant le premier des recalés au concours d’entrée de l’école dont j’avais fait la prépa intégrée…ce fut un premier signe. Le second c’est l’amour d’une fille connue sur une plage du Morbihan. J’ai perçu avec elle que l’appel du Seigneur était beaucoup grand. Ce n’était pas juste…

Deux signes qui m’ont fait comprendre que le Seigneur est patient…Jamais il ne force la main de ceux qu’il appelle à son service. Il nous aime trop pour cela en quémandant notre réponse en temps voulu. Mais il faut lâcher le plan A et parfois le plan B. La petite amie n’a pas fait pression non plus. Des années plus tard j’étais à son mariage ; ils ont eu 2 filles et un garçon. 

« Proclamez sur les toits… » Je ne savais pas trop comment m’y prendre… J’avais été enfant de chœur, participé au Mouvement eucharistique des jeunes puis à la légion de Marie…Tout cela avait structuré ma foi dans une famille catholique pratiquante. Pas d’action caritative sans prière…pas d’annonce de l’Évangile sans cette intimité avec le Seigneur…creuset de toute vie apostolique.

Finalement, j’ai quand même frappé aux portes du séminaire d’Issy-les-Moulineaux mais on ne m’y attendait pas… « Prenez l’ASSIMIL LATIN et Allez faire faire votre service militaire » …Après 16 mois dans la Marine ils m’ont accepté. c’était en 68…et un grand vent avait soufflé entre ces hauts murs dans la mouvance du Concile Vatican II…Ce n’était pas l’enfermement que j’avais craint.

J’ai eu la chance d’être envoyé en stage diaconal dans la paroisse Saint Lambert de Vaugirard dans le 15ème où on m’a ouvert à l’Action catholique : pas d’abord des choses à faire, pas un combat à mener mais une relecture de nos vies pour y discerner l’action de l’Esprit à la lumière de la Parole de Dieu…Et plutôt que me donner une équipe à accompagner, Alain le jeune prêtre qui me suivait m’a dit : « tu as des amis, démarre une équipe avec eux ». Et ceux avec lesquels j’avais fait des colos, des camps-mission sur la Côte, ont accepté la démarche de relecture et de contemplation que je leur proposai. Tout d’un coup je recevais une façon d’annoncer et de méditer l’Évangile au cœur de liens tissés.

Il ne s’agissait pas de faire un cours, d’asséner des vérités sur Dieu mais d’avantage de le découvrir. Partager les bonheurs, comme les difficultés de l’existence dans une petite fraternité en accueillant la parole de Dieu…Prendre le temps de le reconnaître ; c’est ça l’Action Catholique…c’est la source de l’Action à mener avec d‘autres… (on appelle cela ici « Et Dieu dans tout ça »… parce que l’appellation Action catholique paraissait désuète à notre précédent curé !)  

Si j’insiste sur les débuts de mon sacerdoce, c’est que cela a été déterminant pour la suite…et coloré une manière de prêcher, de célébrer…de permettre le regroupement d’enfants en ACI, de jeunes filles JICF, d’adultes, de jeunes couples en ACI dont je demeure l’aumônier départemental.

Mettre des gens en route pour partager ce qui leur tient à cœur, éclairer ces rencontres de la Parole de Dieu, cela débouchant sur la prière est pour moi le lieu privilégié de la rencontre du Seigneur…où paradoxalement j’ai appris à me taire dans un premier temps pour que la reconnaissance du Seigneur se fasse d’abord entre les participants.

La rencontre du mouvement SEVE et de sa fondatrice Marguerite Hoppenot dès le début de mon ministère a été également une chance pour moi. Originaire d’un monde un peu différent du mien…elle était d’origine d’aristocratie espagnole, nous nous sommes rencontrés en profondeur : ETRE, AIMER, SERVIR, UNIR est la devise du mouvement qui à l’automne va fêter ses 85ans…Il s’agit de petites équipes où la Parole de Dieu est première, la méditation de Marguerite…et l’éclairage de nos vies rythment la réunion. Et la règle des trois P permet aux membres (surtout les femmes mais pas que) un bon examen de conscience : pauvreté de soi, pureté d’intention et préjugé favorable…J’y rencontre des témoins actifs de l’évangélisation et des protestants qui ont soif d’unité.

Que vous dire de plus, sinon une joie que je retire de mon passage dans chacune des 7 paroisses où l’archevêque m’a nommé…

De Saint Charles de Monceau, je rends grâce à Dieu
pour la confiance des paroissiens, leur accueil chaleureux,
la catéchèse bien concrète des Sœurs Ursulines
dont la présence rayonne sur le quartier, l’illumine !

À Passy, les retraites avec les jeunes professionnels,
le scoutisme et la responsabilité du FRATERNEL
m’ont apporté la joie d’un réel travail synodal :
laïcs et prêtres au service de la Pastorale !

À Notre Dame du Rosaire, l’aumônerie de lycée,
dans le compagnonnage des ados m’a relancé.
Week-end et camps ont joyeusement rythmé ces cinq ans,
une communauté vivante, un curé encourageant !

À Saint Germain de Charonne, je suis nommé
curé pour la première fois où enfant de chœur j‘avais été.
L’accueil de douze familles maliennes dans nos locaux
jusqu’à ce qu’elles soient relogées : c’était beau !

Durand ces années quatre-vingt-dix, il y eut aussi
l’équipe régionale des JMJ,
Chestokowa passant par Auschwitz – Denver – Manille,
Peuples divers mais unité de la famille !

A Notre Dame de Lorette, je succède à des pasteurs
que j’estime, c’est la joie de poursuivre à cœur
ce qu’ils avaient mis en place, durant des décennies
et d’apporter ma petite touche de fantaisie !

A Saint Jacques – Saint Christophe un peuple bigarré
m’attendait après le décès de leur curé.
Hiver solidaire avec Jean, diacre lumineux
a marqué mes dix années où j’ai été heureux !

A Notre Dame de Clignancourt, une belle communauté
m’a accueilli avant que je sois à la retraite.
Je vous remercie, tout comme mes confrères,
des amis qui mettent souvent en boîte, leur vieux frère !

Merci Seigneur pour toutes ces grâces reçues.

Merci pour tous ceux qui se sont sentis responsables de mon sacerdoce et qui m’aident à le vivre joyeusement. AMEN !

                                                                                                                                    Père Bernard QUÉRUEL