Editorial du dimanche 6 juin 2010

LE BUTIN DE LA SEMAINE SAINTE

Un fait divers récent, le vol à main armée de la quête des Jours saints dans une petite paroisse quelque part en France, était relaté dans un quotidien national. Le journaliste de service qui avait traité la dépêche d’agence concluait sa brève en donnant le montant du « butin de la semaine sainte ». Malice ou maladresse, peu importe, la formule fait mouche.

La brève première lecture d’aujourd’hui se rapporte à un fait divers qui se produisit voici trois ou quatre mille ans quelque part du côté de Jérusalem. Une affaire d’alliances rompues entre roitelets locaux se termine mal pour Loth, le parent d’Abram : le voilà pris parmi le butin, avec tous ses biens, sa famille et ses serviteurs. Prévenu, Abram monte une contre expédition victorieuse et récupère biens et gens. Surgit alors l’énigmatique Melchisédek, « roi de Salem et prêtre du Dieu très-haut », qui fournit le pain et le vin puis prononce une belle bénédiction. Or, de lui, l’on ne sait rien de plus !

Bien sûr, le rapprochement avec les gestes de Jésus dans l’évangile est frappant. Mais il devient vraiment instructif quand on l’approfondit. En effet, la veille de sa passion Jésus annonce et explicite ce que sera l’événement de sa Pâque : par sa mort sur la croix, il « paiera la rançon pour la multitude », il obtiendra la libération des hommes tombés sous l’esclavage du péché. Le troisième jour, Dieu, en le ressuscitant, manifestera sa victoire et le « justifiera », lui qui fut rejeté et châtié comme criminel.

Ainsi, Jésus est le nouvel Abram qui reprend de vive force les captifs et tous leurs biens à celui qui s’en était emparé. Il
est également le nouveau Melchisédek qui prononce la bénédiction sur le pain et sur le vin quand nous faisons mémoire de sa passion et de sa résurrection, rendant alors présent son sacrifice à notre temps de sorte qu’il réalise maintenant ses effets de grâce. C’est ce que nous fêtons et accomplissons en cette solennité du « Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ ».

Ceux qui communient pour la première fois comme ceux qui le font chaque dimanche se reconnaissent sauvés par Dieu et unis par lui en un peuple dont la vocation est la sainteté. L’Église, communauté de pardon et de conversion d’où coulent des fleuves de charité et de vérité pour chacun de nous et pour le monde, voilà le véritable « butin de la Semaine sainte », les gens et les biens que le Christ s’est acquis en les arrachant au péché et à la mort pour qu’ils vivent dans le bonheur et l’amour à jamais.

Marc Lambret, curé