Editorial du dimanche 27 septembre 2015

Quel scandale ?

L’Évangile d’aujourd’hui appelle à employer les grands moyens pour lutter contre les causes de scandale : « si ta main est pour toi une occasion de chute (littéralement : te scandalise), coupe-la. Mieux vaut pour toi entrer manchot dans la vie éternelle que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux mains, là où le feu ne s’éteint pas… » Ces paroles intransigeantes du Seigneur nous renvoient aux scandales de ces derniers temps. Cette semaine dans les média aura été marquée par le « scandale Volkswagen », c’est-à-dire les tricheries reconnues du constructeur pour homologuer ses véhicules. Quelques semaines plus tôt nous avons pu nous scandaliser de la prime de départ d’un dirigeant d’entreprise, ou bien de l’attitude d’une journaliste hongroise vis-à-vis de migrants… Dans tous ces cas, la sanction infligée est importante, mais c’est sans doute le lynchage médiatique qui est le plus pénalisant, s’apparentant à une mise à mort. D’où la question que l’on peut se poser : ces « scandales » médiatiques ont-ils un rapport avec les scandales évoqués par le Christ et appellent-ils à la même attitude ?

L’intransigeance du Christ dans l’Évangile est liée au sens donné à son époque au mot scandale. Notre traduction liturgique nous oriente d’ailleurs vers ce sens : ce qui fait scandale, fait chuter, c’est-à-dire entraîne à pécher. Ainsi, le Christ appelle ses disciples à lutter de tout leur être contre leur péché car l’enjeu de cette lutte est considérable : c’est la vie éternelle. En effet, le rejet du péché et de ses causes est la condition de la miséricorde ! Aujourd’hui, c’est davantage le degré d’indignation suscitée par un acte immoral qui justifie l’emploi du terme scandale. Les conséquences que l’acte peut avoir sur ceux qui en sont témoins importent peu. Au contraire, on se dit que soulever ces « scandales » incitera au moins les autres à ne pas agir de la sorte et ainsi à être plus « moraux ». Mais on néglige leurs effets indirects sur tous ceux qui en sont témoins : cynisme, pessimisme, individualisme assumé… Or il faut reconnaître que ces effets indirects sont moins dus aux actes reprochés qu’aux buzz produits autour. Cela nous porte à considérer que les scandales (au sens biblique) sont davantage du fait de ceux qui parlent, publient, twittent… que de ceux qui sont dénoncés.

« Si ta langue est une occasion de chute, coupe-la ; si ta publication est une occasion de chute, cache-la ; si ton twitt est une occasion de chute, supprime-le… »

Père Pierre Labaste