Editorial du dimanche 15 avril 2012

Quiconque aime connaît Dieu

Combien de voies différentes vont mener à la foi les différents témoins de la résurrection ! Jean, le disciple bien-aimé, croit en voyant le tombeau vide, le suaire et les bandelettes. Marie-Madeleine croit en entendant la voix du Maître qui prononce son nom « Marie ». Thomas croit lorsqu’il est invité à toucher les plaies de Jésus ressuscité.

Alors Thomas : prototype de l’homme qui doute ou de l’homme de foi ? Rappelons sa réaction à l’annonce de la mort de Lazare, ami de Jésus :
« Allons nous aussi et mourons avec lui » (Jn.11.16). Thomas demeurera pour les siècles à venir l’homme qui doute. Il porte sur ses épaules l’attitude de tous les apôtres qui eux aussi ont douté, mais dont Jean ne parle guère. À travers le doute de Thomas, l’évangéliste Jean trace les balises d’un cheminement qui va de l’expérience sensible à la foi pour toute l’Église et son avenir. « Toi, tu as cru parce que tu as vu », et le Seigneur d’ajouter : « Bienheureux ceux qui croient sans voir ». Thomas refusait de croire dans le témoignage de ses frères : « Si, moi, je ne vois pas… je ne croirai pas ». Qu’importe leur enthousiasme, seule l’évidence des faits attisera sa foi !

« La paix soit avec vous », dit le Seigneur. C’est là que nous allons atteindre le sommet du 4ème évangile : la confession en la divinité du Christ : « Mon Seigneur et mon Dieu » s’exclamera Thomas. La foi chrétienne naît de la rencontre, de l’expérience du Christ. « À l’origine du fait chrétien, écrit Benoît XVI, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation définitive » (Deus caritas est). Tout témoignage de foi prend sa source d’un fait historique qu’il est possible de constater par soi-même ou par le témoignage de témoins crédibles. Le Christ de la foi implique le Jésus de l’histoire. Tout l’évangile de Jean comme témoignage prend appui dans l’histoire.

La conclusion de ce chapitre 20 de l’évangile de Jean couronne bien ce témoignage authentifié par des faits : « Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a fait et qui ne sont pas rapportés dans ce livre. Ceux-là ont été mis afin que vous croyez »… Le but de saint Jean était de ranimer la foi vacillante des croyants de la fin du premier siècle. Il a choisi parmi les faits et gestes de Jésus les plus susceptibles de ranimer et fonder la foi des nouveaux convertis au Christ. C’étaient des signes d’une réalité autre que les apparences : ils signifiaient, comme dit Marc, l’autorité, la puissance du Seigneur venu établir son Règne de paix, de justice et d’amour et les exigences soutenues par la grâce.

La grâce perfectionne la nature, ne la supprime pas ! Saint Thomas d’Aquin, enseignait : « Rien dans l’intelligence qui ne passe avant tout par les sens ». Jean l’évangéliste pouvait écrire : rien dans la foi qui ne procède d’une expérience sensible ! Il en précise l’expérience par l’exemple de Marie Madeleine, de Thomas et de sa propre expérience. Il le signifiera d’une façon très concrète lorsqu’il écrira : « Dieu est amour. Quiconque aime connaît Dieu ; quiconque n’aime pas n’a pas connu Dieu parce que Dieu est amour» (1 Jn. 3.18). C’est là tout l’enseignement de la première encyclique de Benoit XVI : « Dieu est amour ».

Père Jean-Luc MICHAUD