Homélie du 2 octobre 2022

27e dimanche du Temps ordinaire (Lc 17, 5-10)

Notre-Dame de Clignancourt

Notre confiance en Dieu butte sur bien des choses :  l’injustice, l’absurdité apparente de l’histoire ou le non-sens. Mais une question plus délicate encore qui se pose à notre foi, est celle qu’affronte le prophète Habacuc : devant « la violence et le pillage » (Ha 1, 2-3 ; 2, 2-4), devant la victoire apparente des méchants, il m’est difficile de croire que ma vie et que la mission le Seigneur me donne ont du poids. Lorsque je me trouve seul croyant en Dieu, lorsque l’on se moque de moi à cause de ma foi, comment croire que du fond de ma petite existence, je puisse aimer, pardonner et espérer à la hauteur de ce que Jésus me demande, et que cela puisse avoir un impact sur la réalité des choses ?
« Seigneur augmente en nous la foi » demandent les disciples à Jésus. A travers la petite parabole de l’arbre qui va se planter dans la mer, Jésus leur explique que leur foi- que notre foi- qui nous apparaît aussi petite qu’une graine de moutarde, a un pouvoir de transformation de la réalité que nous n’imaginons par. Croire ne nous permet pas simplement de bien vivre pour nous-mêmes (de comprendre, d’être en paix, d’entrer dans le plan de Dieu). Par notre foi, nous pouvons faire fleurir l’arbre dans la mer, faire fleurir le bois de la croix planté dans la mort, faire fleurir des roses sur du fumier. Durant l’hiver 1954 il y avait le fumier du froid tenace, le fumier de la misère qui faisait que des personnes mouraient dans la rue. L’abbé Pierre après son appel à la radio avait reçu des piles de couverture. Un homme le contacte parce qu’il voulait se suicider. L’abbé lui dit « viens d’abord m’aider à distribuer des couvertures. » Sur le fumier de ce désir de suicide, voici les fleurs : la fondation des compagnons d’Emmaüs.


Ne sous-estimez pas le pouvoir de transformation de la réalité que vous possédez par votre foi. Partez de la pauvre réalité qui est la vôtre, n’attendez pas qu’elle soit toute propre pour vous lancer.
Jésus ajoute la petite parabole du serviteur qui ne peut pas se reposer tout de suite, pour expliquer l’horizon de la vie de foi : je peux avoir toute confiance en la puissance de transformation de la réalité de ma vie de foi si je donne sans trop compter, sans trop attendre de compensation et de résultats. Bref si je me tiens à ce que j’ai décidé et que je fais confiance. Comme dans l’éducation des enfants où les parents ne s’estiment pas quitte lorsqu’ils ont conduit les enfants à 6, 10 ou 15 ans. Mais où ils sont prêts dès le départ à travailler à perte. Au contraire cette confiance dans la durée manque souvent à la vie professionnelle, en particulier à ses débuts, quand le jeune consultant ou le jeune ingénieur est là « en attendant mieux ».


Avoir confiance en Dieu, avoir foi en la fécondité de la vie à partir de notre baptême, c’est l’appel que Timothée a reçu, et que Paul rappelle à sa mémoire, pour qu’il s’appuie dessus (2 Tm 1, 6-8.13-14). Lorsque Dieu nous a aidés à trouver le bon chemin de nos vies, lorsque Dieu nous a lancés dans la vie de baptisés au milieu du monde, nous pouvons poursuivre paisiblement, avec persévérance et fidélité, sans nous inquiéter, sans chercher à nous échapper à la première alerte, sans jeter l’éponge, sans critiquer parce que cela ne se déroule pas comme prévu. C’est un chemin de paix et de fécondité dans une vie de couple, dans nos études, dans notre travail, dans notre conversion écologique, dans la transformation de la vie de nos immeubles…


Thérèse de Lisieux que nous fêtions hier, François d’Assise ou Carlo Acutis que nous célébrons aujourd’hui, ont eu une vie courte mais fidèle. En ne cherchant qu’une chose à la fois, en cherchant d’abord le royaume de Dieu, sans s’échapper, sans papillonner, ils ont conduit leur barque au bon port, et leurs vies soulèvent aujourd’hui d’autres vie, tandis qu’ils se reposent dans la gloire de Dieu.

P. Stéphane Duteurtre