Editorial du dimanche 18 septembre 2011

UNE AUTRE JUSTICE

L’attitude du maître d’un domaine telle que Jésus la raconte ne correspond évidemment pas à notre manière de comprendre la justice sociale. Aucun ouvrier, aucun syndicat n’admettraient aujourd’hui un tel décompte des salaires !  Mais bien sûr, ce n’est pas sur ce terrain-là que Jésus se situe.  À y regarder de plus près, nous pouvons y découvrir comme une illustration de ce que Dieu disait déjà, plusieurs siècles avant Jésus, par le prophète Isaïe :  « Mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes chemins ne sont pas vos chemins.  Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus des vôtres, et mes pensées, au-dessus de vos pensées. »

Ici, il nous faut revenir, une fois de plus, à l’éternelle question :  « En quel Dieu croyons-nous ? »  Nous connaissons le mot de Voltaire :  « Si Dieu nous a faits à son image, nous le lui avons bien rendu. »  Comme nous ne pouvons rien connaître si ce n’est à partir de notre expérience, nous avons inévitablement tendance à transposer en Dieu nos manières de penser et d’agir.  Ainsi en va-t-il de la justice.  Pour nous, elle consiste à rendre à chacun ce qui lui est dû.  De même, en ce qui concerne l’amour.  Nous, nous ne pouvons pas aimer sans d’abord être aimés, car nous ne sommes pas à nous-mêmes notre propre origine.  Nous avons besoin de tout recevoir pour pouvoir donner à notre tour.

Or, en Dieu, il n’en va pas du tout ainsi.  « Dieu est amour », mais il n’aime pas du tout à notre manière.  Dieu est toujours premier.  Il n’a pas besoin d’être aimé pour pouvoir aimer.  Son être, c’est d’aimer.  Alors, dire que Dieu est juste, c’est affirmer que son action est « ajustée » à son être.  Autrement dit, Dieu est juste quand il nous aime.  Mais, parce que l’amour ne compte pas, Dieu ne s’ajuste pas sur nos calculs à nous.  Il donne à profusion.  Et son amour est gratuit.  Il ne se mesure pas à l’une de nos manières à nous d’aimer.

C’est vrai, une fois de plus, ce Dieu qui vient le premier à notre recherche et à notre rencontre est un Dieu déboussolant pour notre « raison raisonnante ».  Il nous invite à une véritable conversion, non pas d’abord de notre morale, mais de notre foi en lui, de notre manière de le découvrir.  En présence d’un tel Dieu, comment ne pas avoir envie de laisser cet amour couler un peu plus dans chacune de nos vies ?  Alors, notre désir de justice entre nous pourra s’imprégner d’un peu de sa justice
à lui.

Père Joseph Hunt