Editorial du dimanche 17 avril 2011

un pas si mal entendu

L’accueil triomphal réservé à Jésus pour son entrée à Jérusalem repose sur un malentendu, c’est bien connu. Les foules acclament en Jésus le libérateur politique qu’elles espèrent mais, le Vendredi saint, elles ne reconnaîtront pas l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. Pourtant, elles n’ont pas tout à fait tort. Elles sont comme saint Pierre, félicité pour avoir confessé en Jésus le Messie, mais rabroué pour refuser qu’il souffre la Passion.

Dans le récit de la Passion, saint Matthieu souligne le malentendu sur les deux points qui seront les motifs de la condamnation de Jésus par les grands prêtres. Le premier est l’annonce de pouvoir détruire le Temple et le rebâtir en trois jours. Bien sûr, comme le précise de son côté saint Jean, il parlait du Temple de son corps. Mais cela n’exclut pas que les auditeurs aient perçu aussi un véritable « oracle de malheur » sur le Temple de pierre de Jérusalem,  qui allait être rasé, en effet, en l’an 70.

Quant au titre de Messie, ou Christ, il peut être entendu de diverses manières. Pour les grands prêtres, il représente dans le cas de Jésus une revendication de filiation divine : là, ils n’ont pas tort ! Pour les Romains, compris comme signifiant « Roi des Juifs », il constitue un délit, celui de vouloir prendre la tête d’une sédition. Certes, Jésus n’a rien d’un séditieux. Pourtant les Romains ne se trompent pas tant que cela, car Jésus est bien le Roi des Juifs.

Cette situation équivoque où ce qui se dit est vrai en un sens mais pas en un autre explique le silence de Jésus en sa Passion : dans sa situation d’accusé pressé de questions brutales, il lui est impossible d’obtenir l’écoute attentive nécessaire à un discernement subtil sur les termes. Quand il répond au grand prêtre ou à Pilate : « C’est toi qui le dis », il indique néanmoins cette situation où les mêmes mots ne sont pas entendus de la même façon.

Voyez aussi le rôle des disciples, le contraste entre leur ardeur et leur fragilité, leurs intuitions justes et leur aveuglement partiel. « L’esprit est ardent, mais la chair est faible », dit Jésus à Pierre. Cet avertissement vaut aussi pour nous : nous venons aux rendez-vous de cette semaine parce que nous n’avons pas si mal entendu la parole de Dieu qui nous y appelle. Mais redoublons d’attention pour l’écouter en ces jours saints, car nous avons encore bien besoin d’être éclairés.

Marc Lambret, curé