Editorial du dimanche 11 janvier 2015

« Ce n’est pas lui, c’est moi ! »

Sous le choc des actes odieux qui ont été commis cette semaine contre des journalistes et des dessinateurs du journal « Charlie Hebdo », ainsi que les policiers qui les protégeaient, nous nous tournons aujourd’hui vers le mystère du baptême de notre Seigneur, en quête de lumière pour soutenir notre espérance et mieux orienter nos réactions.

Le récit du baptême tel que rapporté par saint Marc, passe sous silence les réticences de Jean le Baptiste à baptiser celui qu’il reconnaît pourtant comme étant plus fort que lui et celui qui baptisera dans l’Esprit Saint. Comme bien souvent dans les Évangiles, les silences parlent autant que les mots… Je pense en effet que l’Évangéliste nous laisse le soin de nous interroger sur ce baptême non seulement injustifié, mais aussi indigne du Fils bien-aimé du Père.

Pourquoi Jésus commence-t-il son ministère en se mettant à la place de l’homme pécheur ? Par cet acte, Jésus nous adresse un signe, signe qu’il est prêt à mourir pour nous et prendre sur lui nos péchés. Mais dans le contexte de l’acte terroriste perpétré mercredi, nous nous demandons quel appel nous est adressé à travers ce signe. Or, ces derniers jours une véritable marée de « je suis Charlie » a gagné nos villes ainsi que la toile du Net pour exprimer une solidarité avec les victimes, occuper d’une certaine façon leur place restée injustement vide.

Jésus qui n’avait pas commis de péchés s’est librement identifié aux pécheurs afin de prendre au piège le péché et de le vaincre. Nous qui n’avons pas commis ces crimes, nous devons reconnaître que nous sommes aussi porteurs des germes de l’horreur et accepter une profonde remise en question pour stopper la croissance de ces germes ! Pourtant, quelles que soient les valeurs défendues, on a pu constater la rapidité avec laquelle chacun a pu trouver puis désigner son responsable et ainsi produire instantanément l’anticorps bloquant toute remise en question de soi. Or, il ne suffit pas de prétendre se défendre de tout amalgame pour ne pas être affecté par l’identité des suspects ou leurs mobiles présumés. Le seul remède efficace contre l’amalgame est la conversion personnelle ; la seule manière d’empêcher la propagation du mal est de faire comme Jésus : ce n’est pas lui, c’est moi !

Père Pierre Labaste